Le paludisme et autres maladies vectorielles au Cameroun

Toute fièvre au Cameroun doit être considérée comme un paludisme jusqu’à preuve du contraire.

Par Dr Raphaël BOUYNE, médecin chef du Centre médico-social de l’ambassade de France au Cameroun

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Le paludisme est une maladie vectorielle (transmise par un moustique, l’anophèle) grave, potentiellement mortelle, très répandue en zone tropicale. Il existe plusieurs espèces de parasites responsables du paludisme. Plasmodium falciparum est l’espèce la plus dangereuse, car elle est responsable des formes mortelles, c’est également la plus fréquente (en Afrique tropicale surtout, mais aussi en Amérique et en Asie forestière). C’est prioritairement contre cette espèce que sont dirigées les mesures préventives. L’Afrique subsaharienne supporte une part disproportionnée de la charge mondiale du paludisme. En 2015, 89% des cas de paludisme et 91% des décès dus à cette maladie sont survenus dans cette région.

En ce qui concerne l’activité du Centre Médico-social (CMS), nous recensons en moyenne sur l’année 3 cas de palu chaque semaine, et un cas grave chaque mois. Par cas grave nous entendons des tableaux se soldant soit par admission en service de réanimation dans les structures locales, soit par le décès du patient. Précisons que les séries statistiques font état d’une mortalité de 20 % dans les cas de neuro-paludisme.

D’autres maladies, sont transmises par les moustiques :

- parasitaires : Microfilarioses (vers microscopique transmis par plusieurs sortes de moustiques)
- virales : Dengue, Fièvre Jaune, Chikungunya, Fièvre de la Vallée du Rift, ZIKA (en forte progression actuellement). Pour ces maladies, les mesures de protection anti-vectorielles seront essentielles (et la vaccination pour la Fièvre Jaune).

Aucun moyen préventif n’assure à lui seul une protection totale contre le paludisme, c’est pourquoi il convient de recourir simultanément :

- A une chimioprophylaxie (prise d’un médicament antipaludique à titre préventif) ;surtout à l’arrivée au Cameroun(3 premiers mois), et ensuite lors des déplacements dans les endroits du Cameroun où il existe une forte prévalence du paludisme(Kribi, Douala, Limbé, zones forestières, …)
- A des mesures de protection contre les piqûres de moustiques.

 

1. Traitements préventifs du paludisme

- l’association atovaquone (250 mg) - proguanil (100 mg) (Malarone®Malanyl®)

Un comprimé par jour au cours d’un repasriche en graisses, pour une personne pesant plus de 40 kg.

La Malarone® est disponible en comprimés pédiatriques (Malarone® comprimés enfants ; atovaquone : 62,5 mg, proguanil : 25 mg) permettant l’administration de ce médicament chez l’enfant de 11 à 40kg. Chez la femme enceinte, la Malarone® peut être prescrite, mais le suivi de grossesses exposées à l’association atovaquone-proguanil est insuffisant pour exclure tout risque d’effet indésirable.

La prise est à débuter le jour d’arrivée dans la zone impaludée et doit être poursuivie pendant une semaine après la sortie de cette zone.

La durée de prise continue de l’atovaquone-proguanil, dans cette indication, devra être limitée à 3 mois, faute de disposer à ce jour d’un recul suffisant en prophylaxie prolongée.

- la méfloquine (Lariam® 250)

Un comprimé une fois par semaine, pour une personne pesant plus de 45 kg. Chez l’enfant, la chimioprophylaxie obéit aux mêmes règles que pour l’adulte, à la dose de 5 mg/kg/semaine. Cependant, le produit n’existe que sous forme de comprimé quadrisécable (dosé à 250 mg) qui ne permet d’adapter la prophylaxie que chez les sujets de plus de 15 kg (environ 3 ans). Chez la femme enceinte, la méfloquine peut être prescrite, l’analyse d’un nombre élevé de grossesses exposées n’ayant relevé aucun effet malformatif ou foetotoxique particulier dû à ce médicament
administré en prophylaxie.

La prise doit débuter au moins 10 jours avant le départ, pour permettre d’apprécier la tolérance du médicament ; dans la mesure du possible et sauf s’il a été bien toléré lors d’une prise antérieure, il est même préférable, d’effectuer trois prises avant le départ, afin de détecter un éventuel effet secondaire survenant plus tardivement.

L’apparition sous traitement de troubles neuro-psychiques tels qu’une anxiété aiguë, un syndrome dépressif, une agitation, une confusion mentale, des tendances suicidaires ou même des troubles mineurs tels qu’une tristesse inexpliquée, des céphalées, des vertiges ou des troubles du sommeil, doit conduire à l’interruption immédiate de cette prophylaxie.

La prise de méfloquine doit être poursuivie pendant 3 semaines après la sortie de la zone impaludée.

- La doxycycline :

Doxypalu® (monohydrate) comprimés à 50 ou 100 mg, Granudoxy ® Gé (monohydrate) comprimés sécables à 100 mg, Doxy® 100 Gé et Doxy® 50 Gé (hyclate) : 100 mg/jour chez les sujets de plus de 40 kg, 50 mg/j pour les sujets de poids < 40 kg.

La doxycycline est contre-indiquée avant l’âge de 8 ans, déconseillée pendant le premier trimestre de la grossesse et contre-indiquée à partir du deuxième trimestre (elle expose l’enfant à naître au risque de coloration des dents de lait). Elle peut entraîner une photodermatose par phototoxicité. Pour limiter ce risque, on conseille la prise le soir au cours du repas, au moins 1 h avant le coucher.

La prise est à débuter le jour de l’arrivée dans la zone à risque, et à poursuivre 4 semaines après avoir quitté la zone impaludée.

 

2 - Protection contre les piqûres de moustiques

Il est aussi très important de se protéger contre les piqûres de moustiques, car cela permet de prévenir également d’autres infections ayant le même mode de transmission, en particulier la dengue, très répandue sous les tropiques. Les anophèles (moustiques vecteurs du paludisme) piquent habituellement entre le coucher et le lever du soleil ; les mesures à observer sont les suivantes :

- Porter le soir des vêtements longs, imprégnés d’insecticide : les vêtements ainsi que les toiles de tente peuvent être imprégnés par pulvérisation (spray) ou par trempage (l‘insecticide utilisé doit alors être la perméthrine). On peut se procurer en pharmacie des flacons vaporisateurs de perméthrine. La pulvérisation se fait sur les parties externes des vêtements.

- Appliquer un produit répulsif (insectifuge ou repellent) sur les parties découvertes du corps : l’application du produit doit se faire dès le coucher du soleil sur toutes les parties découvertes du corps, visage compris, ainsi que sur les parties pouvant se trouverdécouvertes à l’occasion de mouvements.

- Dormir sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide (deltaméthrine ou perméthrine) : la moustiquaire imprégnée d’insecticide assure la meilleure protection contre les piqûres de moustiques nocturnes. Elle doit être en bon état (pas de déchirure) et utilisée correctement (soit bordée sous le matelas, soit touchant le sol). On peut se procurer des moustiquaires déjà imprégnées en pharmacie ou dans les magasins d’articles de voyage, ou les imprégner soi-même avec des kits d’imprégnation disponibles en pharmacie. La durée d’efficacité du produit est de 6 à 8 mois. Même dans les pièces climatisées, utiliser un diffuseur électrique d’insecticide, car la climatisation réduit l’agressivité des moustiques mais ne les empêche pas de piquer. A l’extérieur, on peut faire brûler des tortillons de pyrèthre.A noter que les moustiquaires aux fenêtres ne protègent pas efficacement et doivent être associées à l’utilisation de moustiquaires au niveau des lits.

 

3 –Le traitement du paludisme

Le paludisme est une maladie que l’on peut facilement confondre avec la grippe ou la gastroentérite car elle peut présenter les mêmes symptômes tout en étant bien plus grave.

Toute fièvre au Cameroun doit donc être considérée comme un paludisme jusqu’à preuve du contraire.

Le traitement repose aujourd’hui en ambulatoire sur des associations de molécules comme Cofantrine® ou Coartem® (artémether – lumefantrine), ou Malarone® à la dose curative. On pourra également utiliser l’artesunate par voie injectable dans certaines conditions de médicalisation.

Il est préférable, si possible, d’avoir un avis médical dans les 24 heures qui suivent l’apparition de la fièvre et de procéder à un examen de sang (frottis – goutte épaisse ou examen par fluorescence QBC, voire Test de Diagnostic Rapide = TDR) avant de prendre un traitement curatif.

Retenir que toute suspicion de paludisme accompagnée de trouble :

- Neurologique (trouble de la conscience, prostration, convulsion, obnubilation, désorientation, trouble de la parole),

- Respiratoire (gêne respiratoire),

- Urinaire(baisse du volume des urines ou présence de sang dans les urines),

- Hémorragique (saignement, pâleur extrême)

Doit faire l’objet d’une hospitalisation en urgence pour traitement spécifique et prise en charge des complications.

Dernière modification : 07/04/2022

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